Dans les allées des musées d'Orsay ou du Louvre, qui ne s'est jamais déjà arrêté devant un des sublimes tableaux où Delacroix évoque l'Orient ? Le premier contact avec l'Orient eut lieu en 1798, lors de la campagne d'Egypte. Vivant Denon, qui avait accompagné Bonaparte, rapporta de nombreux croquis de ruines pharaoniques et de costumes égyptiens. Gros y trouva de précieux documents lorsqu'il évoqua avec fougue certains épisodes dramatiques de l'expédition (les Pestiférés de Jaffa, 1804, Louvre) ; Guérin et Girodet peignirent les mêmes combats avec une froideur épique toute davidienne, et Géricault fut plus ardent dans ses oeuvres.
La guerre de l'Indépendance grecque confronta aussi la génération romantique avec des paysages et des types nouveaux. Comme Byron ou Hugo (les Orientales, 1829), Delacroix ressentit profondément ce choc et l'exprimera avec passion dans les Scènes des massacres de Scio (1824, Louvre). Decamps et Marilhat partirent alors pour Constantinople et l'Asie Mineure. Avec eux, entre 1827 et 1832, naît le véritable orientalisme, c'est-à-dire, à travers une émotion ressentie, l'évocation picturale sincère des paysages brûlants, des foules grouillantes et des couleurs éclatantes du Moyen-Orient.